Le comité Tlemcen à Nadaud. Avril 2013

Des témoins du comité Tlemcen à Martin Nadaud, le 9 avril 2013

Des personnes aujourd'hui âgées témoignent de l'assassinat de leur famille par les nazis il y a 70 ans. 

L'histoire vivante, par ceux qui l'ont vécu. Une après-midi qui restera dans les mémoires des jeunes de Nadaud.

Plus de 35 élèves de 3 classes (1C, 2T1, TC) sont venus écouter les témoignages de trois membres du comté Tlemcen. Une association qui regroupe des anciens enfants ou adolescents français dont les familles furent assassinés par les nazis pendant la seconde guerre mondiale, entre 1939 et 1945, en raison de leur origine juive. (voir le point histoire à la fin)
Des témoignages qui ont marqué les jeunes, qui ont raconté cette après-midi dans le journal 11 du lycée. Journal des élèves de Nadaud N°11

Merci beaucoup à Florine Touzard, surveillante dans notre lycée et étudiante en histoire, pour les photos, qui sont toutes d'elle. Quand elle n'a pas oublié son appareil, sa carte mémoire, ou qu'elle ne perd pas ses clichés, elle ne se débrouille pas mal !

Ester Senot, Georgette Blajchmann et Maurice Jakubowicz : des survivants de l'histoire. Ils sont venus pour raconter.
Un grand merci à eux pour leur être venus, pour leur volonté de transmettre, leur altruisme et leur modestie.

Ester Senot témoigne. Ses parents furent assassinés par les nazis. Elle-même fût ensuite envoyée en camp d'extermination avec sa soeur, qui y périt. Elle survécut à tout cela ainsi  qu'à la "marche de la mort". Revenue à Paris, elle dût affronter la vie seule, à 16 ans avec presque aucune aide de l'Etat français. Son témoignage a bouleversé l'assistance et forcé l'admiration. Voir l'excellent article de Stéphanie, Rimma et Sarah dans le journal 11. Journal des élèves de Nadaud N°11

Stéphanie, Rimma et Ranya ; derrière elles Sana, et encore derrière Cédric. Des jeunes touchés et intéressées par les témoignages, comme la plupart dans la salle.

Se tenant debout à droite, près des témoins, Stéphanie, 1ère bac pro comptabilité, une des 2 responsables de l'après-midi. Elle était chargée de la distribution de la parole parmi les élèves. Sa classe, la 1C, était chargée de l'organisation de cet événement : aller chercher à la mairie certains témoins, accueillir les autres au lycée; préparer la salle, les boissons et les gâteaux et la ranger à la fin. 
Travail parfaitement exécuté par l'équipe composée de Sarah, Stéphanie,Teddy, Rimma, Dan, Joël et quelques autres. Une groupe à qui on peut confier des responsabilités.

Abdelrahmane, Alima et Matogoma, des jeunes toujours intéressés qui écoutent avec attention et émotion les témoignages. Derrière, Dan, Fatoumata, Charazed et Teddy eux aussi concentrés.

Maurice témoigne. Enfant du quartier, il grandit près du lycée Nadaud et ne dut son salut à un hasard (voir l'article racontant cela dans le journal 11). Après son témoignage, Maurice a aidé les jeunes à s'orienter dans les élèvements en faisant des cartes au tableau, pour aider à comprendre les témoignages d'Ester et Georgette. Article sur Maurice dans le journal des élèves de nadaud N°11


Georgette témoigne sur la disparition de son père assassiné par les nazis. Elle-même dût son salut à sa fuite hors de France par dessus les barbelés. Elle témoigne aussi sur celui qui devint après la guerre son compagnon, aujourd'hui disparu, qui rejoignit la résistance dans les FTP MOI : le groupe le plus résolu des résistants en France, qui était composés de jeunes d'origine étrangère (Polonais, Arméniens, Italiens, Espagnols ...) la plupart communistes. Ils luttèrent avec héroïsme et acharnement contre l'occupation allemande des Nazis et la police française sous les ordres de Pétain. Article sur l'histoire de Georgette Journal des élèves de Nadaud N°11

Derrière Rimma et Ranya toujours concentrées, on distingue au fond à droite, Rayanne et Youness. 
A droite, Dan et Fatoumata, qui ont signé des articles sur les témoignages de Georgette et Maurice dans le journal 11.

Dan. Un jeune remarquable par son esprit rapide et synthétique ; intéressé et dynamique, il sait s'exprimer et n"hésite pas à s'emparer de la parole, souvent à bon escient. Une plume précise et précieuse pour le journal, dont il doit devenir un atout majeur, comme ses camarades Cedric et Joël. Voir leur excellent article  sur Maurice dans le journal 11. Journal des élèves de Nadaud N°11

Rathushan, Youness, Rayanne et Teddy viennent discuter après la fin de l'intervention avec Maurice.
Rayanne et Youness ainsi que Rathusan, sont des jeunes à l'esprit plutôt vif, particulièrement intéressés par l'histoire et l'économie. Mais les pauvres sont incapables d'écrire dans le journal pour le moment : généreux en paroles, ils se révèlent incroyablement avares en écrits, comme des gens ne parlant que de nourriture mais incapables de lâcher un euro une fois assis au restaurant. Des journalistes virtuels donc, demeurant pour le moment dans le monde bruyant mais éphémère de la parole non écrite. Trop modestes ?
Par contre, on peut lire l'excellent article de Teddy, Fatoumata et Charazed sur Georgette dans le  Journal des élèves de Nadaud N°11

Point histoire

Qui sont les nazis, assassins des familles de nos témoins ?

Comment sont-ils arrivés au pouvoir ?

Qu'a fait l'Etat français ?


Les nazis étaient un parti politique d'extrême droite crée en 1920, organisé en milices d'action violentes, mais se présentant aussi aux élections. Leur principal dirigeant était Adolf Hitler. Ils accédèrent au pouvoir en Allemagne en 1933, bien qu'ils n'aient jamais eu la majorité absolue des voix (37% au maximum, en 1932, la dernière année avant la dictature).
Les nazis profitèrent de la "crise de 29", crise économique mondiale célèbre, la plus grave de l'histoire du système capitaliste. Cette crise catastrophique fit exploser à partir de 1929  le chômage  chez les salariés et les faillites chez les petits commerçants et les agriculteurs. La misère, la colère et la panique se généralisèrent. le chômage était trois fois plus important qu'en France actuellement, où il est pourtant déjà le problème numéro un. Et il n'y avait presque pas d'aide pour les chômeurs ou les commerçants, agriculteurs ou artisans ruinés.
Les gouvernements étaient incapables de mettre fin à cette crise. Cela discrédita les partis de droite et du centre et en partie les socialistes, au pouvoir en Allemagne. Ces partis n'avaient aucune solution pour mettre fin à la crise, qui entraînait la population vers l'abîme. Les nazis se présentaient pour dire qu'eux étaient la solution.
Le parti nazi, qui entre 1920 et 1929 ne dépassait pas les 5% des voix, bondit de 3% en 1929 à 37% en 1933. Les milices nazies, petit groupes paramilitaire (civils organisés comme une armée) qui existaient depuis 1920, virent affluer des dizaines de milliers de volontaires entre 1929 et 1932. Elles rassemblaient en 1932 plus de 200 000 miliciens. Avant que les nazis ne soient au pouvoir, ces milices semaient la terreur dans les rues allemandes, attaquant avec des haches ou des gourdins les meetings des partis ouvriers, les socialistes et les communistes, agressant les juifs.

Les nazis n'étaient pas issus de la bourgeoisie, c'étaient pour la plupart des gens des classes moyennes ruinées par la crise ou des chômeurs (souvent jeunes).  Mais ils bénéficièrent à partir de 1931-1932 de l'aide d'une partie notable du haut patronat, qui les finança et leur procura des moyens médiatiques modernes pour l'époque (radio, voitures, avions). Parmi les hautes couches de la société allemande, même si on méprisait les nazis, beaucoup commençaient à souhaiter leur arrivée au pouvoir. Bien qu'issus de mondes différents, grande bourgeoisie et nazis partageaient deux mêmes objectifs : préparer l'Allemagne à la guerre pour retrouver sa puissance économique et empêcher toute révolte des ouvriers en détruisant toutes les organisations ouvrières (syndicats, partis socialistes et communistes ; ces 2 partis opposés aux nazis avaient à eux deux autant de voix que les nazis aux élections et autant de militants dans leur rangs).

Cependant, il fallait que les nazis obtinssent également l'accord de la majorité des dirigeants de l'Etat allemand pour qu'Hitler et les siens arrivent au pouvoir en toute légalité. Bien que méprisant eux aussi les nazis, ces dirigeants de l'Etat étaient liés aux grands dirigeants d'entreprises, dont beaucoup leur conseillaient de plus en plus d'accepter Hitler et ses milices.
Ces dirigeants de l'Etat qui critiquaient jusque-là violemment les nazis firent donc volte-face en quelques semaines. Hindenbourg, ancien dirigeant de l'armée allemande à l'époque de la démocratie, devenu ensuite homme politique de droite, avait été démocratiquement élu président de la république en 1932. Son adversaire à ces élections de 1932 était justement Hitler. Les partis de droite et même de gauche (comme les socialistes) avaient appelé à voter Hindenbourg pour "faire barrage" à Hitler. Ainsi Hindenbourg fut élu, battant Hitler à ces élections. 
Mais quelques mois après, en janvier 1933, Hindenbourg président appela officiellement... Hitler à devenir premier ministre ("chancelier" en Allemagne), c'est à dire à exercer le pouvoir à la tête du gouvernement allemand.
la majorité des dirigeants de l'Etat firent le même choix qu' Hindenbourg.  Généraux, juges, dirigeants de la police acceptèrent pour la plupart les nazis au pouvoir en janvier 1933. Ces responsables de l'Etat démocratique collaborèrent loyalement avec les nazis. Il y eut même des ministres de partis de droite pour gouverner avec Hitler les premiers mois.
Les plus grands généraux de l'armée allemandes, qui n'étaient pas nazis, ceux-là mêmes qui avaient servi la démocratie, se mirent au service d'Hitler pour préparer la guerre et envahir l'Europe ; ils ne tentèrent rien pour le renverser sauf à la fin, quand il était évident que l'Allemagne allait perdre la guerre.

Les dirigeant des grandes entreprises acceptèrent l'autorité d'Hitler, qui n'était pas un des leurs, mais en échange ils virent leurs affaires bien traitées par les Nazis. L'Etat Allemand dirigé par Hitler leur commanda en grandes quantités - et leur paya - avions, chars, bateaux, sous marins, vêtements et nourriture pour les soldats. Ces commandes d'Etat relancèrent les affaires.
De plus, Hitler détruisit les syndicats et interdit les grèves, empêchant toute protestation des salariés pour leur salaires ou leurs horaires, ce qui avantageait les patrons.
Plus tard, l'invasion de l'Europe en 1939-1940 permit aux patrons allemands d'y investir, prenant le contrôle de l'économie de l'Europe centrale et de ses ressources.
Ils espéraient également reprendre des colonies aux Français et aux Anglais en Afrique, colonies qui auraient permis de faire des affaires sur ce continent. En effet, après la défaite de 1918 (première guerre mondiale), l'Allemagne avait perdu toutes ses colonies africaines au profit des français et des anglais. Les entreprises allemandes étaient depuis exclues d'Afrique. Ce problème, Hitler et ses nazis pouvait le résoudre en préparant la population allemande, par la dictature et la propagande, à une guerre contre les Français et les Anglais.
Même les camps d'extermination (voir plus bas) permirent à certains patrons de faire des affaires en fabriquant et vendant le gaz servant à tuer des millions de personnes.

Une fois installés en 1933, les nazis établirent rapidement une dictature totalitaire en Allemagne, jusqu'en 1945. Ils s'attaquèrent d'abord aux militants  d'extrême gauche et de gauche qui s'opposaient aux nazis, les communistes et les socialistes. Dès 1933, leurs partis, leurs journaux, leurs réunions furent interdits. Les militants de ces partis (qui rassemblaient des centaines de milliers de membres) furent torturés et assassinés en masse
Après avoir brisés les seuls qui pouvaient leur résister, les nazis s'en prirent aux personnes d'origine juive (dont beaucoup ne pratiquaient pas la religion juive ou étaient même athées). Ces personnes subirent d'interminables souffrances. Assassinats, humiliations, spoliations se succédèrent.
Les nazis s'attaquèrent aussi aux homosexuels, aux tziganes, aux malades mentaux, aux handicapés. 
Il n'y avait pas de noirs ni d'arabes en Allemagne à cette époque, mais Hitler et les nazis les considéraient eux aussi officiellement comme des sous-humains, interdisant par exemple toute musique de "nègres" en Allemagne, comme le swing très à la mode chez les jeunes de cette époque. Cela est raconté dans un film "swing kids" (voir articles dans le journal des élèves N°10).

En 1939, Hitler déclencha la guerre. Dès 1940, la majorité de l'Europe, dont la France, étaient vaincue par l'armée allemande et donc occupée par les nazis. Ces derniers occupaient donc la France.

A partir de 1942, les nazis décidèrent d'assassiner en masse hommes, femmes et enfants d'origine juive, de façon systématique et programmée, en les envoyant dans des camps d'extermination, véritables usines à assassiner : c'est ce qu'on appelle un génocide. Plus de 6 millions de personnes d'origine juive furent assassinées en 3 ou 4 ans.
Des centaines de milliers  d'autres : tziganes, homosexuels, handicapés furent aussi assassinées. 
Les militants européens  d'extrême gauche et de gauche, communistes, anarchistes, socialistes, opposés au nazisme, capturés dans les territoires occupés par l'Allemagne subirent le même sort.

Dans leur entreprise de meurtre à grande échelle, les nazis, qui occupaient la France, trouvèrent non pas l'opposition  de l'Etat français mais sa complicité active.
Depuis 1940, l'Etat français était dirigé par Pétain. Comment Pétain était-il arrivé au pouvoir ?  C'était l'ancien dirigeant de l'armée française pendant la guerre de 1914-1918. Puis il était devenu homme politique, nommé par le gouvernement Français ambassadeur en 1939.
Après la défaite écrasante de la France face à l'armée allemande en 1940, la majorité des députés français, ceux de droite et du parti socialiste, élus démocratiquement en 1936, votèrent en juillet 1940 pour donner les "pleins pouvoirs" à Pétain (569 oui sur 649 présents). Ces députés  lui remettaient tous les pouvoirs pour diriger l'Etat et "sauver le pays".
Comme en Allemagne, les sommets de l'Etat français et les députés de la république élus démocratiquement, remettaient en toute légalité le pouvoir à un homme qui allait installer la dictature.
Pétain se servit de ces "pleins pouvoirs" pour interdire le syndicat CGT (dirigée par des socialistes et des communistes), museler la presse, pourchasser les opposants politiques (surtout des communistes et des socialistes).
Puis, Pétain s'en prit aux personnes d'origine juive, en collaboration avec les nazis qui occupaient la France.
Les responsables de la police française, préfets français de la république, commissaires français de la république, firent arrêter en masse les personnes d'origine juive et les livrèrent aux nazis.
Les parents et la famille d'Ester furent ainsi arrêtés par des policiers français lors de la tristement célèbre rafle du Vel d'hiv (1942), à Paris, pour être ensuite livrés aux nazis dans un camp d'extermination ; sa sœur mourut à côté d'elle.

Les survivants dont les parents, les frères les sœurs ou les enfants avaient été assassinés traversèrent les pires épreuves pour survivre et refaire leur vie après. Ce sont ces épreuves que nous ont raconté Ester, Georgette et Maurice.
Parmi ces survivants, la plupart ne purent ou ne voulurent rien raconter pendant des années, voire toute leur vie, tant le traumatisme avait été violent. Mais les années passant, certains commencèrent à rompre le silence. Des associations se créèrent pour transmettre aux nouvelles génération la mémoire. Le comité Tlemcen est l'une d'entre elle.

Pour ces survivants, l'histoire n'est pas une suite de leçons à apprendre, des notes pour le bac. C'est ce qui a bouleversé leur vie pour toujours, les a privé des êtres les plus chers. Pour eux, connaître et comprendre certains phénomènes historiques aurait été une question de vie ou de mort.

Voilà pourquoi ils viennent raconter leur vie : afin que leur histoire personnelle nous pousse à vouloir apprendre et comprendre l'histoire de l'humanité. 

F Monchal

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